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    CARNET DE ROUTE
N° 44/58
 
     
     
" SIBERIE - INDE: sur les traces des goulags "
     
   















 
 
 
28 janvier au 3 février 2007 / en direction de Jinghong, Yunnan, CHINE
 
 
« tropique à plein nez »

 

La Chine tire à sa fin et la province du Yunan annonce un nouvel ailleurs.


“Au Sud des nuages” n’aura jamais été aussi vrai. Depuis le passage de la chaîne de montagnes du Bassin Sud. Ne sachant plus vraiment si je suis le Private Emerson ou moi même, j’ai comme lui hésité à prendre la route aérienne de Calcutta. Mais le mouatt
eur du climat et les palmiers ont eu raison des avions.

L’histoire de cette région est fascinante pour mes évadés car tout tend à laisser croire que c’est un prélude de liberté, un petit couloir pour la rencontre avec la mère patrie en Indochine. Les récits des uns et des autres laissent penser que le blanc a
urait largement trouvé un refuge dans ce Yunan, où 50% de la population est issue de groupes ethniques. Des renégats de la société chinoises, des fuyards et des groupes minoritaires composent un paysage de salvation pour l'évadé qui y verra toujours des
hommes comprenant sa fuite sans même en parler.

Un peu comme un amour attendu depuis fort longtemps, la province profile le meilleur de mes rêves d'évadés. Non seulement les palmiers, les fleurs de jasmin et les bananiers donnent un avant-goût sucré d’une liberté prochaine. Mais ils permettent surtout
de changer d'état d’esprit, de se croire soudain presque arrivé. Marcher dans les flaques d’eau de l’averse matinale efface les traces des semaines précédentes dans le brouillard et le froid. Manger une papaye, redonne espoir. Être moite et pouvoir reti
rer une couche de vêtements est un sentiment de victoire… le froid est derrière, les tropiques s’annoncent et peut être aussi la liberté.

Un homme en cache un autre: “de l’homme triste à l’homme heureux il n’y a qu’un rayon de soleil et un bouquet de senteurs tropicales”… me dis Yan un guide chinois qui parle français. Lui aussi a connu la fuite. A sa manière, en France avec un visa ‘touri
ste’ il a étudié le français pendant 4 ans dans des conditions misérables, pour revenir en chine et ouvrir une agence de voyage. “Se créer des opportunités”, voila ce qu’il martèle en pointant le récit d’un réprimé.

Il est loin le temps du départ sibérien ou l’on (Guillaume et moi) se refusait à penser aux palmiers, que je vois maintenant. “Trop loin” se disait-on. Impossible de se figurer cet instant. Et pourtant il est la devant mes yeux, mes narines, ma peau… dev
ant moi.

La fin n’est pas encore la mais elle sent à plein nez, je suis comme un cheval qui sent l'écurie… je veux marcher encore plus vite mais j’ai les jambes trop courtes et la terre ne tourne pas assez vite.


Texte de Cyril Delafosse-Guiramand

Soutien informatique Guillaume Tourlourat

 

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